Procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat:Dernier clou dans le cercueil politique de Soro ?
- Écrit par Webmaster Obs
- Imprimer
Et revoilà Guillaume Kigbafori Soro à la barre. A la barre, façon de parler puisqu’en exil en Europe, il ne sera pas dans le box des accusés. C’est donc par contumace qu’il sera jugé, comme ce fut le cas en avril 2020 quand il a été condamné à 20 ans de prison pour blanchiment et recel de détournement de deniers publics.
Un an après, c’est pour complot et atteinte à l’autorité de l’Etat qu’il est poursuivi en même temps que 19 de ses proches parmi lesquels l’ancien ministre Alain Lobognon, ses frères cadets Rigobert et Simon Soro ainsi que son ancien chef du protocole Souleymane Kamagaté Koné, dit « Soul to Soul » ; d’autres, comme leur leader, ont été contraints à l’exil à l’image de son avocate, Me Affoussiata Bamba Lamine, de son directeur de la Communication, Moussa Touré, ou encore de Sess Soukou Mohamed, alias Ben Souk, ex-député de Dabou. Ce qui vaut à tout ce beau monde d’être traîné en justice, c’est d’avoir ourdi rien de moins qu’un projet d’insurrection populaire. Et l’accusation se fonde notamment sur un enregistrement audio de 7 minutes où Guillaume Soro échange avec un mystérieux interlocuteur sur les menées subversives projetées ainsi qu’une campagne de communication pour discréditer le régime. Des armes auraient également été saisies lors de l’enquête.
Si les conseils de l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne reconnaissent l’existence de cette fameuse bande sonore, ils estiment cependant qu’elle est incomplète et tronquée et serait le résultat d’une manipulation qui visait à discréditer leur client. Et de dénoncer un simulacre de procès. Selon eux, « la justice ivoirienne s’est rendue complice d’un règlement de compte politique visant à écarter M. Guillaume Soro et les cadres de son mouvement des affaires publiques du pays ». Comment un tel procès ne pouvait-il pas avoir des relents politiques ? Les ennuis judiciaires de l’enfant de Ferké ont commencé, ne l’oublions pas, en même temps que la détérioration de ses relations avec son mentor Alassane Ouattara au sujet de la succession de ce dernier. Un duel d’abord à fleuret moucheté qui s’est transformé en conflit cinglant quand Guillaume Soro a refusé, en même temps qu’Henri Konan Bédié du PDCI, de rentrer dans les rangs du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) voulu par Alassane Ouattara. Il s’en est suivi son débarquement sans ménagement du perchoir, une longue absence du pays, puis sa tentative de retour le 23 décembre 2019. Ce jour-là, craignant d’être arrêté dès sa descente d’avion, il avait dérouté son vol sur le Ghana. C’était le début d’un exil qui dure depuis 18 mois. Entre temps, le président Ouattara a été réélu pour un troisième mandat en lieu et place de son défunt dauphin Amadou Gon Coulibaly.
La guerre est donc plus que jamais ouverte entre les deux anciens complices qui ont pactisé dix années durant pour chasser Laurent Gbagbo du pouvoir et qui s’entre-déchirent maintenant pour le partage du butin.
Ironie du sort, pendant que Soro continue d’errer comme une âme en peine à travers l’Europe, le Woody, lui, définitivement acquitté par la Cour pénale internationale, s’apprête à rentrer triomphalement à Abidjan. Et on peut parier que les portes de la Côte d’Ivoire lui seront fermées tant qu’Alassane Ouattara sera au pouvoir. On a donc bien peur que ce procès ne soit le dernier clou dans le cercueil politique de l’ancien chef rebelle à qui l’on prédisait, il n’y a pas si longtemps, un destin présidentiel. Comme quoi la politique n’est jamais un long fleuve tranquille, pas plus sur les bords de la lagune Ebrié qu’ailleurs.
H. Marie Ouédraogo